En 1991, lors de mon premier séjour au Brésil, j’ai découvert avec éblouissement l’esprit « carioca » (désignant les habitants de Rio de Janeiro), une attitude singulière face à la vie, au travail, aux relations.
Les Cariocas sont reconnus pour leur énergie contagieuse, leur joie de vivre et leur hospitalité. Ils vivent dehors, partagent, s’adaptent, improvisent. Et surtout, ils savent profiter de l’instant et se concentrent sur ce qu’ils peuvent faire aujourd’hui.
Leur culture, née d’un long métissage — africain, européen, autochtone —, exprime une diversité profondément intégrée dans leur façon d’être, où le communautarisme n’a pas sa place. Malgré de fortes inégalités sociales, c’est une culture du lien, du mélange et de la rencontre. Ici, on ne revendique pas haut et fort une identité autre que celle d’être d’ici. Le reste demeure essentiellement dans la sphère privée.
Le rythme de la musique — samba, bossa nova… —, la fête, la rue, la plage, le soleil et la nature (Rio abrite la plus grande forêt urbaine du monde) font partie du décor. Le corps y est célébré : on bouge, on danse, on marche. L’activité physique, sous toutes ses formes, est omniprésente. Je suis toujours frappé de voir des personnes de tout âge marcher pendant des heures le long de la plage ou du lac, mais aussi pédaler, faire du roller, jouer au ballon, comme si le mouvement faisait partie de la respiration même de la ville…
En outre, l’humour — avec une remarquable aptitude au 2ème, voire au 3ème degré ! — et la décontraction sont également une façon d’être et sans doute de résister à l’urgence, à la gravité excessive, à la rigidité. Quiconque se prendrait trop au sérieux en souffrirait immanquablement… Ici, on rigole de tout, en commençant par soi-même.
Bien sûr, le Brésil a ses problèmes — politiques, économiques, sociaux, avec son lot de corruption et d’insécurité. Les Brésiliens ne s’en cachent pas : critiquer est un sport national. Mais attention : ils ne laissent personne le faire à leur place ! Ils adorent leur pays. Leur affection pour leur terre et leur culture — palpable quand ils chantent leur hymne, main sur le cœur et larme à l’œil — est bouleversante. Elle est organique, enracinée. Il y a là un sens de l’appartenance et une fierté lumineuse que beaucoup leur envient.
Bref, voilà un état d’esprit qui donne à réfléchir en ces temps de morosité et de tensions. Parfois, il suffit simplement de revenir à l’essentiel pour garder — ou retrouver — le moral.