Ne pas confondre bien-être et réalisation

Le bien-être, cette douce sensation de satisfaction physique et psychologique, est une aspiration parfaitement légitime dont chacun aimerait jouir dans sa vie.

Ces dernières années, le concept de bien-être au travail a fait son entrée en force dans l’univers de l’entreprise, en même temps que l’attachement à la valeur travail a connu une profonde remise en question dans bon nombre d’organisations et, à un certain degré, au sein de la société tout entière. Il existe des explications sociologiques à cette vague de fond qui semble correspondre à une nouvelle manière de concevoir son existence dans un monde où, parallèlement, l’anxiété se ressent de manière assez généralisée. 

Plus on ressent l’instabilité de l’existence, que ce soit dans le domaine de la SECURITE (l’attentat du 11 septembre 2001, par exemple, a été une onde de choc à l’échelle mondiale, montrant que même les Etats-Unis pouvaient être touchés en plein cœur), dans le domaine SANITAIRE (crise du Covid), ECOLOGIQUE (émergence de phénomènes climatiques remettant en question nos modes de vie), ECONOMIQUE et SOCIAL ou encore GEOPOLITIQUE (guerre en Ukraine et ses multiples effets…), plus l’aspiration au bien-être et le besoin de profiter pleinement de sa vie ici et maintenant deviennent prononcés. C’est humain.

La limite de l’exercice est que cette aspiration croissante au bien-être révèle également un besoin parfois excessif de confort (tout le monde aime le confort !) mais aussi une forme de repli sur soi (recherche de cocon). La question qui se pose est alors : est-ce en visant toujours plus de bien-être que l’on se réalise dans la vie ? Pas sûr…

En réalité, l’existence nous confronte, qu’on le veuille ou non, aux épreuves de toutes sortes et on ne peut s’en protéger constamment. Notre bien-être, nous devrions le garder à l’esprit, peut disparaître à tout instant et plus on s’y accroche, plus on s’expose à souffrir lorsqu’on le voit s’éloigner. Rappelez-vous cette tirade du film Fight Club : « Les choses que l’on croit posséder finissent par nous posséder… ». Avoir, oui, mais ne pas être dépendant du fait d’avoir.

Désirer le bien-être à tout prix nous rend de moins en moins tolérable l’absence de bien-être. Tout inconfort devient peu à peu insupportable et on ne comprend plus pourquoi on se sent progressivement insatisfait et frustré. On s’habitue bien, et parfois trop, aux avantages. Tout est une question d’équilibre, comme toujours, et il est bon de garder une dose de combativité, d’avoir « faim » pour rester éveillé et engagé. 

L’entreprise n’a pas vocation à devenir un espace de bien-être, même si l’on doit, bien évidemment devrais-je dire car c’est du simple bon sens, pouvoir s’y sentir bien… Mais une entreprise est, avant tout, un lieu de REALISATION. Réalisation de soi à travers des activités individuelles et collectives, réalisation d’une cohésion interne, réalisation de projets et d’ambitions partagés au service de ceux à qui l’on voue ses efforts et du développement de l’entreprise. Et la nuance est importante. Se réaliser fait appel à la capacité de mobiliser son énergie pour les causes que l’on défend, et de se dépasser avec le plaisir que cela procure, même si c’est inconfortable… Bien-être et réalisation sont donc deux dynamiques bien différentes que l’entreprise ne devrait pas confondre, même si les deux ne sont, bien sûr, pas incompatibles jusqu’à un certain point…

Facebook
LinkedIn