L’Homme peut être génial

En début d’année, j’écrivais un article sur le thème « Leadership et Intelligence » (édito du 18/02/18), faisant notamment référence au fameux astrophysicien Hubert Reeves et à son livre « Le banc du temps qui passe ». Je n’avais pas encore fini la lecture de cet ouvrage passionnant et je l’ai repris en main ce week-end. A nouveau, je me suis senti inspiré par les réflexions de cet homme à l’intelligence si fine, caractérisée par un degré supérieur de connaissance et d’analyse mais également par beaucoup d’humanité et d’humilité ; l’alliance de ces qualités me paraît digne d’être saluée !

Voici en particulier deux extraits de son livre qui ont retenu mon attention :

Les points faibles de la théorie du Big Bang

Cette théorie a ses faiblesses et ses manques. Trois points en particulier marquent ses insuffisances : elle ne rend compte ni de l’existence de la matière noire ni de celle de l’énergie noire (ou sombre), ni de l’absence d’antimatière dans l’univers observable. En conséquence, elle est susceptible d’importantes révisions qui pourraient modifier en profondeur notre vision du monde. Il ne faut jamais sous-estimer la précarité de nos connaissances.

Une nouvelle astronomie est née : les ondes gravitationnelles

En 1917, Albert Einstein, grâce à sa théorie de la relativité, prévoit l’existence d’un nouveau moyen de communication entre les astres, appelé « ondes gravitationnelles ». Mais il pense aussi que ces ondes sont trop faibles pour être jamais détectées. C’était sans compter sur l’astucieux génie des humains quand ils s’y mettent.

Maintenant, c’est fait. En 2016, on a détecté des ondes gravitationnelles provenant de la collision de deux trous noirs à plus d’un milliard d’années-lumière. Un large boulevard de connaissances nouvelles s’ouvre devant nous (…) Les téléscopes à ondes gravitationnelles sont des structures qui s’étendent sur plusieurs kilomètres. Ce sont les nouvelles oreilles à l’écoute du cosmos.

Avec une telle intelligence…

Si l’Homme est capable de réaliser de telles observations cosmiques proprement vertigineuses à partir des outils de plus en plus puissants qu’il a su mettre au point et développer au fil des siècles, représentons-nous un instant ce que cela représente en termes d’intelligence… Quel fabuleux réservoir ! Je suis admiratif…

L’homme est un être hautement sophistiqué, enfin je devrais dire « peut l’être ». Car ce qui est également vertigineux, c’est l’écart qui peut exister entre la plus subtile intelligence et la bêtise la plus totale, tout cela au sein de la même espèce. Le meilleur et le pire, cela m’intrigue quand cela atteint un tel niveau…

Cette observation amène deux réflexions :

  • L’Homme a une immense capacité à s’améliorer et à produire de l’intelligence lorsqu’il en a la motivation, sait faire preuve de raison, de sagesse, et se donne les moyens de sortir de l’ignorance ;
  • Il faut de la patience pour apprendre, comprendre et se bonifier, accepter que cela prenne parfois beaucoup de temps, mais qu’est-ce que le temps à l’échelle de l’univers ? Et plus l’Homme évolue, plus il prend conscience que tout reste à découvrir, autrement dit qu’il sait peu de choses… La finalité ne doit donc pas trop nous préoccuper !

Vers une intelligence globale au service de justes (et saines !) causes

Nous pouvons avoir l’impression que le monde part dans des directions folles et aléatoires, au gré de l’expression d’intelligences antagonistes, certaines (beaucoup) moins sages que d’autres. Je pense notamment :

  • à l’acharnement de certains à vouloir produire l’homme parfait et éternel, ce qui pourrait s’apparenter à une forme d’intelligence mais totalement déraisonnable, sans doute fondée sur des peurs profondes, en commençant par celle de disparaître. Qu’il en faut de la science et de la technique pour arriver à de tels résultats de plus en plus spectaculaires qu’on pensait réservés à la science-fiction… Mais quels résultats ? Pour quel bien réel ? Ce n’est qu’une échappatoire… L’Homme ne doit-il pas rester l’Homme, avec sa « finitude » du moins corporelle et ses imperfections ?
  • ou encore aux dérives de l’intelligence artificielle, le jour où elle passera de faible à forte. Pourquoi vouloir à ce point nous mettre en danger ?

Des forces luttent, qui naissent dans le cœur des hommes enclins à la surenchère permanente, au conflit, à la dualité, au pouvoir, à l’avidité.

Cela concerne également les grands mouvements géoéconomiques actuels qui ne sont malheureusement pas toujours conduits par l’intelligence qu’on aimerait voir à l’œuvre… Si l’on a les dirigeants que l’on mérite, alors il est grand temps de se poser les bonnes questions et de prendre nos responsabilités, individuelles et collectives.

Croire en la coopération et en l’intelligence collective

Réunir toutes les formes d’intelligence en une seule personne est illusoire, en revanche la coopération produit des miracles et c’est en elle que l’on peut espérer. Elle suppose d’avoir l’humilité de reconnaître que l’on ne détient pas toutes les cartes en main, toutes les formes de connaissance, toutes les sensibilités, mais que d’autres que nous possèdent celles qui nous manquent et que nous avons plus intérêt à collaborer qu’à entrer en compétition.

C’est ainsi que nous avons intérêt à favoriser toutes les passerelles entre les mondes politique, religieux, scientifique, philosophique, écologique, intellectuel, culturel, universitaire, etc. afin que notre pensée devienne de plus en plus ouverte, transversale, globale, enrichie de ce que chaque univers a à apporter.

Dans la nature, l’Homme, malgré tout son potentiel, n’est pas au-dessus de la mêlée et la plus belle preuve de son intelligence s’exprime lorsqu’il sait coconstruire et s’adapter à son environnement, s’adapter ne voulant pas dire contraindre. Il fait partie de la nature, il ne lui est ni extérieur ni supérieur.

C’est donc vers une forme d’intelligence transversale que nous devons tendre, une intelligence de la conscience qui intègre toutes les formes d’intelligence et appréhende les situations à la fois dans leur globalité et dans leur continuité.

Chaque époque connaît ses périodes de lutte, mais je crois profondément que l’époque actuelle se prête bien à cette évolution positive, avec de nouvelles générations globalement soucieuses de leur équilibre qui implique une relation saine avec notre environnement naturel. Par exemple, le digital fait aujourd’hui partie intégrante de notre vie, et l’intelligence d’aujourd’hui et de demain consistera à savoir le faire cohabiter avec la nature. Ce n’est pas l’un qu’il faut dresser contre l’autre, c’est l’un qui doit être au service de l’autre et vice-versa. Je crois que là et seulement là nous pourrons véritablement parler d’intelligence car elle sera utile à l’Homme et à son environnement, et non plus susceptible de détruire ce qui a mis tant de temps à se construire.

Et pour finir, je vous invite à découvrir cette vidéo-reportage très intéressante, consacrée à l’intelligence émotionnelle et relationnelle stimulée au sein d’une école située dans une zone a priori sensible. Tout part d’une motivation…

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